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feuilletonton
12 mars 2016

DISPARUS ? / P1C1E6

Le début de l’histoire c’est ici

L’épisode précédent, c’est ici

Le début du chapitre, c’est ici

La table des matières, c’est ici

         

3ZBS56RVB en SM

 

8ZBS65DMConques en S1M

 

 Rien à voir…

 

N°6 / DISPARUS ? / P1C1E6 

C’est l’histoire où Jules et Rébéquée se lancent au secours des Disparus de la Marée au Petit Port après avoir exploré les méandres des activités culturelles de la MJC. Avec l’aide d’Arthur Malfort !

 

Mercredi 13 avril

11 heures.

Le Matois

- Il a dit midi !

Jules, l’œil enflammé, se sent dans la peau du Marin dans la Tempête qui, debout à la Proue de la Nef battue des Vagues, résiste à la Panique Dévastatrice qui s’empare de l’Equipage.

En l’occurrence, l’équipage, c’est Béatrace et Rébéquée qui le harcèlent depuis une heure pour qu’on appelle les flics :

- Enfin, Jules, pas de nouvelles depuis hier, c’est pas naturel. Et les portables silencieux, alors que le Boulet a toujours le sien ouvert !! Tu trouves ça normal ? Et qu’il ait, lui, justement lui, parlé des flics !!!  Y’a un os !!

- Il a dit Midi !!!

Et il se dresse sur ses talons en bombant le torse comme un coq sur ses ergots, ce qui a pour résultat de faire glisser sa gabardine de ses épaules fuyantes.

À tout autre moment, Rébéquée l’aurait pointé du doigt en rigolant  et en poussant le cri de Tarzan Roi de la Jungle, mais là, merde, elle est inquiète, quoi, et Clèm qui est avec ce pou nerveux de Boulet. Bon. Peut-être qu’elle est dessous, ce qui serait moindre mal, mais… Avec sa connerie de morituri te salutant, il lui a laissé un mauvais pressentiment aussi, cet imbécile à moustaches !

- On pourrait au moins appeler la Lanterne, ose-t-elle…

Béatrace lève le nez de l’article sur l’enquête de la rue du Fort qu’elle est en train de découper :

- Pas fous ?

- Il a dit qu’ils « coopéraient » insiste Rébéquée.

- Il a dit ça ? sa moustache frémit tandis qu’elle tend un cou de poulet vers Jules, hérissée jusqu’à des sourcils qui en deviennent méphistophéliques, en quête d’une confirmation de la trahison.

- Il a dit ça… Ça et les flics… confirme Jules plus désorienté qu’il ne veut le laisser paraître en sentant que le Marin allait devoir céder à la Tempête, précipité que se trouve l’Esquif sur ce Récif soudain de la Trahison de son Capitaine.

Il s’accroche à cette heure fatidique :

- Il est onze heures ! On attend Midi !!!

Et il croise les bras en redressant son petit menton rasé de frais qui tremble un peu.

Alors Rébéquée prend les choses en mains. Après tout, l’homme c’est elle. Comme avec Michelle (mais à quoi qu’elle va là penser ?). D’un geste, elle écarte Jules qui peute-peute un peu pour la forme (on dirait un diesel gommé dirait Clèm) et elle va s’asseoir au bureau de Victor pour décrocher le téléphone vert.

- Allo, la Lanterne ? Ici, c’est la rédaction du Matois, je pourrais parler à Monsieur Malfort ? C’est urgent et important. C’est au sujet de Clémentine, et… Une voix rageuse l’interrompt… elle reprend : oui je sais, elle n’est pas là, c’est justement… Nouvelle interruption…. Mais je m’en fous de tes Cœurs Fondus ! Passe-moi Malfort, crétin vaseux si tu tiens à ta place ! Du coup, elle a repris son accent rondouillard de Québécoise de souche pour secouer celle (la souche) du secrétaire de rédaction. Oui, c’est ça, file-moi le Dragon qu’on s’explique !!! Allo, M’me Marty, oui, c’est Rébéquée Taritournelle, du Matois. On est inquiets pour Clèm… Oui. Merci….. Monsieur Malfort ? Oui, Rébéquée Taritournelle, du Matois. Je crains qu’on ait un problème. Victor est parti sur la côte avec Clémentine… Vous êtes au courant ? Pas dans le détail ? Ce qui nous inquiète c’est que le Boulet nous ait dit de prévenir les flics s’ils ne rentraient pas avant midi, et comme il a dit aussi que nos deux journaux collaboraient sur le coup… Oui. Je pense qu’il s’agit des Écolocroques… Que je… Qu’on passe vous voir ? Non on ne sait rien, on n’a pas lu le dossier. Vous si ? Vous l’avez ? Elle l’a repris ? Un double ? (elle regarde dans les tiroirs du bureau) non, pas ici. Chez eux peut-être mais on n’a pas la clé. Dans son ordi ? Oui on a le mot de passe, mais pas l’ordi. Chez lui sûrement… Bon, on arrive.

Elle raccroche.

Silence tendu.

Jules la regarde bouche bée, exorbité. On dirait un crapaud qui vient d’avaler une couleuvre frétillante en croyant se faire une merguez :

- Mais… Mais…

- Bêle pas, Papa, poursuit Rébéquée remontée, Béatrace va garder la boutique. Tu te feras porter des sandouiches ma grande, mais tu restes à côté du téléphone. Et pas de répondeur ! Nous, on va à la Lanterne ! Avanti !!!

Jules étant interdit de conduite pour de sombres histoires de permis dissous dans des boissons volatiles, ils s’engouffrent dans la Déesse de Rébéquée après en avoir repoussé le foutoir avant vers le foutoir arrière, et roulez jeunesse, cinq feux, deux ronds points et quatre bordées d’injures à de longs et lents piétons plus loin, ils giclent dans la cour privée et pavée de la Lanterne dont le gardien se précipite, casquette en bataille.

- Tiens Toto, lui lance Rébéquée avec son trousseau de clés, range-la on est en urgence rouge !

Scié, Toto (qui ne connaît pas Rébéquée) (et comment elle a su qu’il s’appelait Toto ?), obtempère.

Vingt trois secondes plus tard, Rébéquée traîne un Jules essoufflé par la porte du bureau d’Arthur Malfort, que M’me Marty prévenante est allée ouvrir en entendant les cris du secrétaire de rédaction (s’appelle Jules Mouchoir, c’est pas de sa faute) (Jules Mouchoir a imprudemment tenté de les arrêter au pied de l’escalier : deux côtes fêlées, entorse de la cheville gauche), et le propulse dans l’un des quatre sièges disposés en demi-cercle devant le bureau où hier à peu de chose près à la même heure, Clémentine… (mais ça seul Arthur Malfort (et nous) serait en mesure de l’évoquer), avant de s’asseoir dans un autre avec un « So ? » interrogateur.

Et nous serons les seuls à savoir qu’en refermant la porte, le Dragon a eu son premier sourire depuis trente trois mois, tout comme hier aux cris de Clémentine, elle avait éprouvé sa première… émotion… depuis la retraite de l’Eusèbe Malfort, ça doit faire plus de dix ans.

Et même avant, du temps paillard où l’Eusèbe s’anagrammait jusqu’à s’en contrepéter... Et que le soupir qui avait suivi était empreint tout autant de nostalgie que de sympathie pour cette équipe de tarés verdâtres.

- So ? reprend Rébéquée, que l’efficience anglicise.

 Arthur n’a pas bougé dans son fauteuil. Il se penche un peu pour s’accouder et explique, sobre, net, efficace :

- Voilà. Clémentine m’a fait lire le dossier des Écolocroques. J’en ai déduit (et quel déduit ! ajoute-t-il in petto et à son usage exclusif) qu’ils seraient impliqués dans une série d’attentats ou d’accidents à connotation écologiste, quoiqu’ils n’aient jamais été revendiqués pour tels, qui seraient le fait d’une mystérieuse organisation appelée les Écolocroques. J’ai vu des papiers à en-tête, mais sans signature et sans adresse. Assez pour vouloir en savoir plus. Pas assez pour publier ni même pour communiquer à la police. Victor devait avoir un contact dans l’organisation, mais je ne pense pas qu’elle l’ait connu et franchement, elle ne m’en a pas parlé. Cela dit, et si tout cela est cohérent et implique l’action d’un tel groupuscule qui pourrait être qualifié de terroriste, on aurait affaire à des gens dangereux. Très dangereux : des meurtres, des attentats meurtriers étaient évoqués. Et je comprends que Vic ait songé à avertir la police. Moi-même…

- Mais, ne peut s’empêcher de remarquer Jules qui a repris souffle et aplomb, même si, bon sang les émotions ça donne soif, mais est-ce qu’on ne les mettrait pas en danger en révélant que l’on sait quelque chose ? Et puis les écolos, on connaît, c’est pas des violents, au contraire…

Arthur hoche la tête…

Un silence…

- De toutes façons, enchaîne Rébéquée, ils doivent être connus des militants du coin, vous ne pensez pas ?

- Et il s’est passé quelque chose avant-hier ou hier matin pour que le Boulet décide d’aller enquêter sur la côte, enchaîne Jules.

Arthur a un sourire :

- Vous les connaissez mieux que moi…

- J’ai une idée s’écrie Jules, et l’heure est si grave que Rébéquée se dispense de ses habituelles ironies, si on appelait tous ceux qu’on connaît et qu’on a dans notre fichier, tiens, ceux de la MJC et du Conseil Municipal ?

- Peuvent pas se sentir, objecte Rébéquée qui a fouillé les arcanes des tendances écolo-bio-anthroposo-vertes.

- Et puis son histoire d’Écolocroques, ça dure depuis près de quinze jours. Qu’est-ce qui l’a lancé là-dessus ? Attends, attends… Oui, tu te souviens des enveloppes qu’il recevait et qu’il gardait ?

- Il les a mises dans son dossier reprend Rébéquée. Faut reprendre au début, au premier jour, ou la veille, ce qu’il a fait et quels écolos il a bien pu rencontrer. On a une chance. Mais il notait ses rendez-vous ou ses réunions sur son calepin et on n’a rien… Tu as raison. On va tous les appeler.

- Disposez de la Lanterne, je suis à fond avec vous !

Rébéquée, émue, se lève et tend la main à Arthur Malfort, imitée (avec un temps) par Jules que la soif a retenu (un temps) sans cependant parvenir à l’exclure.

Arthur à son tour se lève et joint ses deux pattes aux mains tendues dans un geste digne des Horaces :

- On les aura.

Et il ajoute, trahissant ainsi son inquiétude profonde :

- Et on les sauvera.

Dans lequel chacun comprend sans qu’il soit besoin de préciser, au travers de l’intensité de son émotion, que « les » premiers ne sont diable pas « les » seconds.

D’ailleurs, n’était le bureau, Rébéquée lui aurait bien fait la bise à ce gros ours concurrent, mais ça se réduit à une fricassée de phalanges viriles qu’Arthur confirme et scelle en versant vite fait trois verres de whisky ambré, ce qui lui gagne définitivement le cœur de Jules (qui sèche son verre d’un seul geste et se ressert d’autorité), et précipite Rébéquée à poursuivre :

- Monsieur Malfort…

- Appelez-moi Arthur.

- Ça marche. Je peux téléphoner au Matois qu’on nous faxe la liste, j’appellerai d’ici pour gagner du temps ?

Arthur appuie sur un bouton qui fait surgir le Dragon :

- M’me Marty, donnez le petit bureau de la cellule d’urgence, à ces jeunes gens pour qu’ils puissent travailler et aidez-les : Clémentine et le Boulet ont disparu. Faut qu’on les retrouve nom d’un Diable !

Le Dragon hoche la tête avec conviction et les guide dans un bureau voisin qu’elle leur ouvre en grommelant :

- Et tâchez de les retrouver, moi je l’aimais bien cette petite !

Ce qui aurait laissé sur le cul n’importe qui à la Lanterne !

 

- Allo, Béatrace ? Du nouveau ? Rien ? Oui, t’inquiète pas, on est en cellule de crise et Malfort nous soutient. Correct. Très. Alors tu nous faxes les listes des écolos du coin. Note le numéro du fax. Oui. Tous. Fichiers confidentiels ? Fais pas chier il y va de la vie du Boulet et de Clèm. Alors tout et tout de suite. Ah, tu restes au journal, hein ? Téléphone qu’on t’apporte à bouffer et tu emportes ton biniou pour aller au pipi room (Béatrace a une petite vessie. Elle pisse peu, mais souvent). On compte sur toi !!

Une minute plus tard, le fax posé sur le coin du bureau ronronne et déverse entre les mains de Rébéquée son premier feuillet de noms, d’adresses et de numéros de téléphone. Jules s’empare de la deuxième, avec les associations écolos basées à la MJC. La troisième, associations professionnelles ou d’amateurs, et correspondants de mouvements dissidents ou ultra minoritaires, voire minoritaires et ultra dissidents, attendra.

Outre le fax, le bureau comporte un interphone direct avec Arthur ou M’me Marty, mais qui peut joindre aussi le secrétaire de rédaction Jules Mouchoir (indisponible pour deux heures encore : il est aux urgences de l’hôpital à cause de cette malencontreuse tentative d’obstruction rébéquale qui lui a mis les côtes en long et la patte en vrille), et quatre téléphones branchés directement sur les lignes extérieures sans qu’il soit nécessaire de passer par le central.

Et ça chauffe tout de suite.

L’un après l’autre Rébéquée débusque les quatre conseillers municipaux, qui chez soi, qui à son travail, qui au restaurant (on a passé midi) ou en réunion.

Bien sûr, elle ne leur dit pas pourquoi cette urgence. Elle parle juste d’un papier pour la prochaine édition, on va passer faire leur photo (c’est le Sésame) pour un article commun au Matois et à la Lanterne (ah, ça c’est bien !) et donc on voudrait savoir. Oui, le monument aux morts, c’est ça. Non, les Écolocroques, jamais entendu parler. Non, sur la côte, on n’a pas non plus entendu parler de mouvements à tendance activiste. Non, pas de liens particuliers avec l’Allemagne (Arthur leur avait parlé des devises d’en-tête imprimées en allemand), sauf que tous les mouvements en avaient, puisque les grünen allemands… que Steiner [1] … bien sûr Autrichien… mais… et que…

Bref, du vent.

Jules a plus de mal à joindre les associations.

Le fichier de la MJC est gardé avec la prudence et la sévérité d’une vertu victorienne.

Il faut expliquer pourquoi, pour qui, comment, et pourquoi ce n’est pas Victor qui appelle, et pourquoi on appelle de la Lanterne, et pourquoi ils veulent savoir ça, parce que c’est confidentiel, vous comprenez, et comment ils ont su que les fichiers étaient là et que des fois ils travailleraient pour les RG, hein, on sait jamais…

Voyant Jules sur le point de mordre son téléphone ou pire de le raccrocher au nez du Responsable, Rébéquée appelle Arthur par l’interphone pour lui expliquer à mi-voix.

Cinq secondes plus tard, un grizzly grognon pénètre dans le bureau et arrache le téléphone des mains de Jules tout en lui faisant un clin d’œil :

- Allo Tiburce ? Vous êtes bien Tiburce Véhicule-Petit ? Oui, le directeur de la MJC ? Bon. Je suis Arthur Malfort. Oui. Le directeur de la Lanterne. Je voudrais vous demander, comme un service personnel, de répondre à la demande de mon ami Jules Tefigue, oui du Petit Matois Subreptice. Oui, oui, on peut être concurrents et cependant amis, mais si, mais si, je vous assure, ça existe. C’est important et urgent. Non ? Voyons, cher ami, vous avez bien une assemblée générale, un tournoi de belote, des cours de danse à annoncer ? Nous manquons beaucoup de place, hélas. Nos amis du Petit Matois aussi, je le crains. Vous plaisantiez ? Bien sûr. Moi aussi, cher ami, bien sûr, allez, je vous repasse Jules. Oui, le mieux serait que vous nous faxiez directement la liste des associations écolos et les dates de leurs dernières réunions depuis un mois. Voilà. Bien sûr. Oui. Tout de suite. Pronto. Sans délais. Fissa. À bientôt cher ami !!! Mes amitiés.

Il raccroche et tape (pas trop fort) sur l’épaule de Jules.

- Ce type est un sinistre con mais il a besoin de nous. Je suis sûr que Victor l’aurait traité de la même façon. Continuez et rappelez-moi si vous avez encore besoin d’un coup de main.

À peine a-t-il quitté le bureau pour retourner dans le sien que le Dragon leur apporte un plateau chargé de sandouiches et de deux grands demis avec une bouteille d’eau, et que le fax crache la liste de la MJC.

Le temps d’un appel à Béatrace. Non, rien de neuf. Elle veille. En préparant l’édition de demain. Toute seule. Oui. Elle a ce qu’il faut et les dépêches de la Lanterne arrivent. Elle peut se débrouiller. T’en fais pas. Trouvez-les.

Bon. Cette liste…

Il y a un mois, conférence du Collectif des Anthroposophes de Miromesnil sur « L’Initiation ou la Connaissance des Mondes Supérieurs par la récolte en pleine lune de Calendula officinalis destiné à la confection de masques de beauté ». Pense pas qu’il y soit allé. C’est fou ce qu’il y a comme conférences !

La semaine d’après, c’est « Récoltez vos choux de Bruxelles en biodynamie » en première partie et « La santé par le chou de Bruxelles» en deuxième partie, par le collectif d’hypnose homéosophrologicomammophytothérapique erickbessonnienne. Non, pas son truc, il déteste les choux, chaque fois qu’on sert de la choucroute à la cantoche, il va au Mac Do.

« La spiritualité du hérisson en Asie mineure » par Matouf Guérovici, auteur d’un livre sur l’Essence secrète de la Cuisine tzigane. J’ai pas vu de papier là-dessus, je m’en souviendrais.

« Le scandale des fertilisations sauvages dans les buissons d’aires de stationnement d’autoroute ». Ouais.

« L’influence du massage phytotantrique sur la culture des cucurbitacées ». Faudra que j’essaie…

« Le Radon de Saint Tignous sur Nivette ». Ça c’était la semaine dernière et il recevait déjà des infos.

Ah, peut-être pendant la réunion de la coop bio ? Le 8 mars… Ça colle pour les dates. Voyons qui est-ce qui s’en occupe ? Ah oui, le collectif du 18 Août. Pourquoi le 18 Août ? Contact : René et Eulalie. Bon, y’a un numéro de téléphone…

- Allo, Vous êtes René ? (une voix suave lui répond, un peu chantante, intonations de prédicateur et résonances de cathédrale ; Rébéquée connaît le truc, c’est un système de brouillage qui permet de changer sa voix au téléphone) Oui… Je vous appelle pour la coop bio. C’est bien vous qui vous en occupez ? Ah. Vous êtes l’initiateur mais pas le responsable… Bien sûr… Mais vous pourrez peut-être me renseigner, je suis Rébéquée, du Petit Matois Subreptice. Oui. Oui, merci, je sais que c’est un bon journal, la preuve, j’y travaille. Bon. Pas toujours d’accord ? Bien sûr, nous-mêmes nous devons de rester ouverts…. Pas à n’importe quoi ? Je… Par exemple… Oui. Le radon… la Mairie… Du lisier breton ? Résurgence ? Vous croyez. C’est intéressant, je me proposais de vous interroger à ce sujet, mais… Oui... Plus tard, c’est cela. Vous êtes très occupé ? Une conférence ? Vous préparez… Dans quinze jours… Passionnant. L’effet de Neptune en conjonction avec Vénus sur la croissance biodynamique des renoncules ? Faudra nous faire un papier… Non. Je voulais... Oui. Les participants à la dernière réunion ? S’il vous plaît… Confidentiel ? Mais Victor y était. Oui, bien sûr mais je ne parviens pas à le joindre et il m’a chaleureusement conseillé de vous contacter personnellement si j’éprouvais quelque difficulté que ce soit à ce sujet. Et je dois écrire un papier pour vous présenter. Prochaine édition. Une demi page, oui. De mémoire vous ne pouvez pas… N’avez pas pris aujourd’hui votre revitalisant biotonique ? Diable. Demander à Gertrude ? Qui est-ce ? La secrétaire de semaine ? De votre part bien sûr. Son numéro, merci, je note. Bien sûr. Confidentiel. Mais y avait-il quelqu’un de nouveau ou d’inhabituel à cette réunion de la coop l’autre soir ?... Revitalisant biotonique. Je vois... Encore merci… (J’ai oublié de lui demander pourquoi le 18 Août…)

- Allo… Bonjour, vous êtes Gertrude ? Oui, je suis Rébéquée, du Petit Matois Subreptice, et René m’a dit de vous joindre pour un renseignement sur la dernière réunion de la coop bio… Le… le prouver ???? Mais quoi ? Que je suis Rébéquée ? Non ? Vous en foutez ? Ah, que c’est René qui m’a dit de vous appeler ? Mais comment…. ? Pourquoi ? Les RG ???? Mais non, attendez, je… Comment faire… Oui, il avait oublié son revitalisant biotonique et donc ne pouvait pas répondre lui-même. Du pipeau ? Mais c’est la vérité ! Vous me croyez ? Mais alors… ? Ah, les revitalisants biotoniques c’est du pipeau ! Oh moi vous savez… Sorti du vin de prunes… Une déviance romanche de la doctrine fondamentale ? Voyez-vous ça ! Inouï ! Dynamisé en lune rousse et pas en pleine lune ? Forcément alors ça ne peut pas marcher… Une conférence débat ? Je n’y manquerai pas, ce sera passionnant. Mais je voulais vous demander si vous aviez remarqué quelque chose de nouveau ou de particulier lors de votre dernière réunion ? Je ne parviens pas à joindre Victor, il est en déplacement. Oui il y était. C’est ça. Il a des moustaches, oui. Sympa… Oui, très. Non ce n’est pas mon mari. Ni mon amant. Je lui dirai. Sera flatté. Parti avant la fin ? Avec qui ? Hélène ? Quelle Hélène ? Hélène Miravarre. Connais pas. Petite ? Pain d’algues ? Sa fiche ? Attendez, je note. Non, je ne suis pas jalouse, et ce n’est pas mon Jules.

- On parle de moi ? demande Jules qui relève la tête de ses fiches.

- Non, Jules… Non, je parlais à Jules, mon voisin s’appelle Jules et ce n’est pas non plus mon Jules… Et ce n’est pas Victor, c’est Jules, le Jules qui n’est pas mon Jules.  Un Jules qui s’appelle Jules, c’est ça, comme vous vous appelez Gertrude, oui. Bien sûr que vous n’êtes pas un Jules ! À quatre pattes d’ici vous me le feriez savoir ? Je ne me serais pas permis… Mais je vous crois bien volontiers. Jules ? Un collègue. Si vous voulez, je lui dirai, à Victor. Non, Victor n’est pas mon Jules, je vous l’ai déjà dit. Il ne manquera pas de vous rappeler à son retour. Le jeudi après-midi ? Je lui dirai. Pas cette semaine… Parce que vous avez vos… La nature… Je comprends… Moi ? De ce côté-là ça va, merci… Alors, ce téléphone pour le pain d’algues ? Vous voulez essayer le pain d’algues ? Pas le pain d’algues ? Alors qu’est-ce que vous voulez essayer si ce n’est pas le pain d’algues ? Ah, Victor… Vous voulez essayer Victor… je... je comprends… Lui dirai. Sera certainement flatté. Le téléphone ? Non, il n’est pas avec Hélène, je ne la connais pas, mais il voulait faire un reportage. Oui, elle est trop petite pour lui, certainement, quoique je ne la connaisse pas. Non, lui non plus, du moins pas sur ce plan, je ne peux pas juger… Manque de personnalité ? Qui ? Hélène ? C’est… probable… Oui, le reportage c’est sur le pain d’algues. Non je ne suis pas jalouse. Oui je note. Son téléphone à lui ? Je ne l’ai pas, c’est toujours lui qui appelle à la rédaction et il est simplement programmé sur le central. Faut appeler la rédaction. Non, je ne suis pas sur place… Oui, je note… Voilà et encore merci….

Epuisée, elle repose le téléphone, souffle dix secondes, et bouscule Jules qui épluchait la troisième liste :

- On a une piste !

- Attends, tu parlais de pain d’algues ? J’ai une société Pain d’Algues, Boulangerie écologique de la mer, à La Marée au Grand Port…

- Ça colle ! C’est en bord de mer ! T’as un téléphone ?

- Attends, je regarde… Oui tiens, je te le note…

Long regard… C’est le même numéro que celui que lui a donné Gertrude…

- Allo ? Société Pain d’Algues ? Oui, bonjour. Je voudrais parler à Hélène Miravarre s’il vous plaît… Elle est à Agotchilho ? C’est quoi ça ? Oui… au Petit Port… D’accord, c’est pareil… À l’usine ? Depuis hier matin ? Je peux la joindre ? Oui, merci… (elle note un nouveau numéro).

Long regard…

- Allo, l’usine du Petit Port ? Je voudrais parler à Hélène Miravarre s’il vous plaît… Elle est au Grand Port ? Mais ils m’ont dit que… Partie hier ? De la part de qui ? Je… je suis une amie... C’est personnel, oui. Bien, merci.

Long regard, sursaut :

- On y va !!!

Ils sortent en coup de vent et butent dans Arthur Malfort qui venait les voir.

Choc de Rébéquée, qui se trouve en tête, dans un paquet de muscles massifs.

- Ouch… On a une piste sur la Marée aux Ports. Une histoire de Pain d’algues, et…

- Tenez, prenez mon numéro de portable. Je serai disponible en renfort si vous en avez besoin…

Sont partis tellement vite que Toto en bave encore.

 

 

LA MORT TRAGIQUE DE BICHY / P1C1E7 - feuilletonton

N°7 / LA MORT TRAGIQUE DE BICHY / P1C1E7 C'est l'histoire où Vic et Clèm assistent impuissants à la mort horrible de Bichy. On saura pourquoi dans le prochain épisode (à la suite de celui-ci). Mercredi 13 avril Agotchilho - Vous connaissez l'histoire ?

http://feuilletonton.canalblog.com


L’épisode suivant, c’est ici

 



[1] Rudolf Steiner : Créateur de la doctrine anthroposophe, à laquelle se rattache l’agriculture en biodynamie. L’anthroposophie reprend entre autres la thèse de la réincarnation et du karma. Les écoles Waldorf-Steiner fondent leur pédagogie sur les "rythmes de développement" de l’enfant qui sont basés sur l’arrivée successive de trois "corps" qui, selon Steiner, composent l’être humain : le corps physique qui s’incarne à la naissance, suivi du "corps éthérique" à la chute des dents (vers sept ans) et le "corps astral" qui provoque la puberté, à 14 ans. Steiner était convaincu que les humains ont déjà vécu sur l’Atlantide et vont un jour vivre sur Vénus, Jupiter et Vulcain (?) lorsque, dans une vie future, ils auront atteint un stade plus élevé de ce " développement ". Sur le plan médical, l'anthroposophie ne se contente pas de traiter l'organe malade. À la fois médecine, mais aussi pédagogie, science spirituelle, enseignement ésotérique et philosophie appliquée, elle met l'homme dans une perspective « plus large » que le seul corps humain. Dans cette approche, lorsque le corps physique est malade, il faut bien évidemment le traiter. Mais pour le médecin anthroposophe, il s'agit aussi de compter avec des corps plus subtils, notamment le corps éthérique, le corps astral et le "je", ou esprit humain, qui englobe les trois précédents… Eh oui. Tout ça. Alors quand on vous parlera de biodynamie, vous aurez une idée plus claire de ses « ancrages philosophiques »…

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